Contre jour 1 : en Bretagne (sept 2003)

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et si... peut-être... voilà... ne plus... juste un soleil dans le regard, ça me suffit. Et puis tout est terminé. Je crois que si je me concentre assez, des plumes me pousseront sur le corps. Tout un sac de morts, pêcheur de canards. C'est ça la vie. Et les oiseaux ont foutu le camp. Feu. T'es pas blessé? le paradis... obscénité. Il y avait un rendez-vous de vampires migrateurs dans le platane du centre ville. Vous ne devriez pas passer sous l'arbre, enfin, pour ce que j'en dis. D'ailleurs pas un mot. Merlin ? C'était quoi ce bruit dans les fourrés ? Et si j'avais sauté par dessus les fougères ? Mais tu ne l'as pas fait. Bien sûr, on a toujours de bonnes excuses pour ne pas le faire. Hop ! juste un petit saut et tu t'offres l'éternité. Mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi ? Parce que derrière le bruit, je sentais les regards qui puaient le canard mort. Brocéliande. Mon graal n'est pas dans l'ombre des fourrés. Poisson pourri, les mouches en font leur affaire. Bord de mer. Et alors ? Tu toucherais l'horizon ? L'horizon c'est le bout du regard, un phare en eye-liner. Mon cher Jonathan, le langage des hommes ne veut rien dire, il fait juste semblant. Enchantée madame. Je ne vois vraiment pas ce que Jonathan vous trouve, vos plumes sont d'un commun ! Je me serais bien fracassé le crâne sur le granit. Tu parles. Le goéland n'est plus ce qu'il était. Prédateur. Je me demande si les hommes te connaissent autant que tu les connais. Monsieur fait le singe, monsieur se dit que son temps viendra. Caboteur. Me voici revenue parmi les mots. C'est dire que mes ailes se sont envolées. Tu causes trop Jonathan, tu ferais mieux de voir là-haut si j'y suis. J'ai étudié les effets du vertige. Attirance. Jambes de coton. Facile de se laisser aller. Funambule, ton fil est encore bien solide. Ouvrez-moi, je veux sortir. Du soleil dans ton regard, mais ton coeur est froid. Le langage, ça se chiffonne comme un morceau de papier. Ça s'étale sur les pierres, en secret. L'eau entre par le nez et on se couvre d'écailles. Sinon, on finit sur une plage, comme ce long poisson blanc. Festin de mouches. Et pendant ce temps là, tu danses. Que faire d'autre quand on n'a ni nageoires, ni plumes ? On pourrait planter la forêt dans la mer. La fontaine de jouvance a vieilli, c'est comme tout. Eau croupie qui a perdu son horizon. J'y aurais bien plongé les racines du vieux chêne. Bruit chiffonné dans les fourrés. Fougères. Le monstre veille, il t'accompagne, là où tu es. C'est écrit dans la pierre. Ventre ouvert. Ton sang nourrirait bien une ou deux bestioles. Chaud, humide, goûteux, visqueux. C'était pas des vampires, mais bien une réunion d'étourneaux de passages. Preuve es fientes. Les entrailles gorgées de soleil. Et puis tu resterais comme le long poisson blanc tordu sur la plage, à marée basse. Informe. Festin de mouches. Même les goélands n'en veulent pas. Un conseil, reste vivante. Oui, Merlin. Pourquoi fais-tu semblant d'être mort ? Parce qu'on continue à m'aimer et que ça me repose. C'est ça ou devenir un goéland. Le pélican, ça l'fait pas ? A-t-on déjà vu un pélican faire le clown pour plaire aux humains ? Jonathan, tu me déçois. Quand on a un bec comme le tien, on ne gonfle pas sa joue pour en pouêter les mots, on ne lève pas la patte et l'aile devant le premier regard d'amour. Derrière mon rire, déception. Je t'échange une main contre une aile. Mouche-toi ! Je n'ai pas de mouchoir, je l'ai laissé entre deux pages de. Deux pages de... le temps tourne au vinaigre. Souvenir du soleil dans ton oeil. Te reste rien à toi. Que l'horizon. Mais sais-tu seulement le voir ?

Vers contre-jour 2

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