Soir. Marée du ciel
jaillissant de l'ombre, la nuit, décimant les ombres,
le jour. Mille voix accompagnent la puissante descente. Les nuages
s'effilent dans le ciel. Rouges les champs de craie. Illusion
solaire qui laisse son empreinte de chaleur dans le corps gavé.
Passages : mots entendus :
C'est beau la mer, tu crois que les vaches le ressentent ? La
mer, les falaises... savent-elles seulement que la terre est
ronde ?
Et nous, qu'ignorons-nous ?
Rumination de l'ignorance, parfum haleine-fétide, déchaussement
de pensées anémiées, trop bien ancrées,
jusqu'à ne plus le voir, dans leurs socles de certitudes.
Ne fait-on qu'empiler les manques ? Doute au-dessus du pré,
je ne connais pas le nom des fleurs, alors comment les tutoyer
? comment savoir les reproduire ? ne pas les oublier ? Je ne
connais pas le nom de ce sentiment qui me regarde, avec
une étrange tache de lumière noire dans l'oeil.
Impair passe et manque. Ou ne manque pas. Qu'en sais-je au juste,
puisque je ne sais plus cela ? cela quoi ? Les jours les heures
les secondes, la taille des choses est sans signification. Leur
nombre oui. Il y a longtemps longtemps que je suis partie. Les
autres vont et viennent, nous vieillissons ensembles, parfois
c'est plus compliqué que ça. Lorsque je les efface,
et que tu réapparais, étranger. Toi et ton silence
omniprésent que je n'attends plus que tu rompes, que je
n'espère pas que tu rompes. Les éphémères
ne vivent pas longtemps, la vie pourtant.
Une
note longue, puissante. Alarme ? Sirène d'incendie. C'est
l'horizon qui nous revient brusquement, implosion. Nous sommes
de nouveau tous réunis, on ne rigole pas avec le feu.
Cessez donc ce vacarme de points d'interrogation, ils mangent
l'air, cet air si rare en ce moment. C'est peut-être juste une douche ?
dit l'un d'entre nous. Ou peut-être juste quelqu'un qui
joue de la clarinette ? Le souffle se raréfie, il s'épuise.
Plus rien. Qui s'est retiré ? le bruit ? moi ? Ils sont
tous là, comme devant un lit de mort, sauf toi, étranger.
Tu m'attends autre part. Nous rions, ce n'était qu'un
bruit de tuyauterie, pas la peine d'en faire la Une, pigiste.
A moins de creuser le sujet.
La petite sirène éparpille
des poèmes à la mer. Un peu, beaucoup, évitons
la passion. Nous ne pourrons pas la ramener avec nous. A moins
de ramener la mer. Ce langage qu'il nous faudra apprendre. Et
d'abord inventer. Découvrir. Déterrer.
J'ai
voulu cueillir un bouton d'or. Je voulais savoir si tu aimais
le beurre, je voulais retrouver le geste de mon enfance. Fraîcheur
du souvenir, à entretenir, comme tout ce qui ne sent pas
la poussière. Naphtaline, mythes et légendes. Mettre
la fleur sous ton cou, y voir le reflet de la lumière.
Avoir de l'or dans l'oeil. Paillette de secondes. L'étranger
a arrêté ma main. La fleur se balançait fièrement,
ou pas, en haut de sa tige. Une si fine tige reliée aux
entraîlles de la terre. Sous mes pieds la terre tremble
un peu, seismes d'émotions, peuvent faire des dégâts,
vous enterrer vivant. Seuls les enfants peuvent cueillir les
fleurs des champs sans leur faire mal.
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